A l’échelle de la parcelle, la première étape est de comprendre lefonctionnement de son sol et de chercher à savoir s’il est vivant ou au contraire déséquilibré. Pour cela, il existe des analyses biochimiques lourdes et coûteuses. Sinon, il existe des méthodes simples et gratuites, que l’on peut utiliser soi-même, directement sur la parcelle. L’une d’entre elles est l’observation de sa parcelle et des plantes qui y poussent spontanément.
Qu’est-œ qu’une plante bioindicatrice ?
Les sols contiennent ce que nous appelons une banque de graines. Il s’agit d’un très grand nombre de graines, d’espèces variées, dormantes, c’est-à-dire dont la germination est bloquée. Ce phénomène est ce qui nous permet de stocker les graines, en silo notamment, et de les consommer ou de les semer plus tard.
Pour que la dormance soit levée, il faut qu’un certain nombre de facteurs soient réunis. La nature et la combinaison de ces facteurs est spécifique à chaque espèce et correspond à leur caractère bio-indicateur.
Pour les déterminer, il faut retrouver dans quelles conditions (pédologiques, géologiques, édaphique et climatiques) germent ces graines naturellement, sans intervention de l’homme.
Ainsi la présence d’une espèce nous indique que les facteurs nécessaires à sa germination sont réunis et notamment les facteurs édaphiques [1]. Observer les plantes poussant dans une parcelle, et n’ayant pas été semées par l’homme, nous renseigne donc sur l’état du sol : sa structure, sa texture, son pH ainsi que la vie des micro-organismes.
Quelques exemples
Sol équilibré et bien structuré
Certaines espèces, comme le mouron blanc et le plantain lancéolé sont caractéristiques des sols équilibrés, c’est-à-dire avec un pH de 6-7, un rapport carbone sur azote (C/N) entre 13 et 20 [2], une bonne vie microbienne aérobie [3], ainsi qu’une bonne structure.
Asphyxie et compactage du sol
A l’inverse, les espèces rampantes stolonifères (ex. vulpin des champs) sont caractéristiques des sols asphyxiés (dits en anaérobiose, avec baisse de la vie microbienne par manque d’oxygène) par compactage, du fait du travail du sol ou du piétinement des animaux. Lors de l’observation de ces bio-indicateurs, la solution peut être de semer un couvert végétal favorisant la structuration du sol et la circulation de l’air (ex. mélange d’orge et de triticale).
Le compactage peut également être le résultat d’un excès d’azote. Ce sont alors le liseron des champs, le grand rumex ou encore la véronique de Perse qui lèveront leur dormance.
L’asphyxie, quant à elle, peut être dû à un excès d’eau. Ce sont alors les espèces des blocages et les nitrophiles (ex. jonc, liseron des haies) qui seront favorisées.
Erosion
L’achillée millefeuille est caractéristique des prairies. Elle va lever sa dormance lorsque le sol est fortement lessivé et a perdu son fer et son calcium qui permettent la cohésion du sol. Elle aura un effet physique sur le sol en retenant la terre via son système racinaire.
Lorsqu’il n’y a plus de risque d’érosion, elle disparaît naturellement car elle ne lève plus sa dormance. Il est donc important de la laisser en place, de la laisser travailler. De plus, il s’agit d’un très bon hémostatique, elle est donc très intéressante dans l’alimentation animale, pour leur santé.
Carences en calcium et décalcification
Les carences peuvent s’observer sur tout type de sol. La pâquerette, par exemple, est caractéristique des prés ou des pelouses carencés en calcium. Il est alors essentiel de limiter la fauche ou la tonte pour la laisser faire son travail. En effet, celle-ci va réguler les échanges en calcium, le stocker et permettre d’en limiter le lessivage.
Dans les champs, on observera plutôt la spergule des champs, qui elle n’indique pas seulement des carences mais un fort phénomène de décalcification. Il y a alors urgence d’agir car sinon ce sont des phénomènes de lessivage et d’érosion qui risquent de se produire.
Pour compenser une carence, il est nécessaire d’apporter du calcium facilement assimilable par les plantes. Pour cela, il n’est pas indispensable de chauler mais il est possible d’apporter du gypse [4] qui n’acidifiera pas le sol et qui est plus soluble que le calcaire. De plus, il apportera du souffre en plus du calcium. Il est possible de l’apporter sous forme de plâtre (attention tout de même à choisir un plâtre non traité !).
Pour compenser une décalcification, il est intéressant d’amener en plus du calcaire sous forme de graviers. Cela aura un effet sur plus long terme car il lui faudra plus de temps pour se retrouver en solution dans le sol.
Qu’est-ce qu’un bon diagnostic de sol ?
Il est important de prendre le temps d’observer ses parcelles et les plantes qui s’y développent car ces dernières ne poussent jamais par hasard. Elles sont le symptôme de l’état de santé du sol. Elles nous indiquent quoi faire ou ne pas faire.
Cependant, pour faire des diagnostics de sol exacts et efficaces, il est nécessaire d’identifier précisément les espèces(1) mais également leur abondance et leur répartition(2).
(1)Le genre Rumex est un bon exemple. Ce dernier comprend 60 espèces dont 59 indiquent des problèmes au niveau du sol et une seule, la grande oseille, indique un sol équilibré.
(2)On considère qu’une plante est bioindicatrice de l’état du sol d’une parcelle lorsqu’elle est présente sur au moins 15% de sa surface.
Il n’existe donc pas de mauvaises herbes, mais seulement des plantes bioindicatrices !
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter :
- L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices, alimentaires et médicinales : Guide de diagnostic des sols, Volume 1, 2 et 3, Gérard Ducerf, ed. Promonature
- https://www.youtube.com/watch?v=knkH6lzgNwU