Le couvert pour nourrir le sol et la plante

Le mois de novembre est souvent l’occasion de détruire les premiers couverts d’interculture. Au moment de la destruction, il est possible d’évaluer ce que le couvert apportera finalement au sol mais également de quelle manière il participera à la nutrition de la culture suivante.

Grâce à la photosynthèse, un couvert contient une part importante de carbone organique. Ce carbone alimentera les microorganismes du sol et entretiendra le taux de matière organique d’une parcelle. Au moment de la destruction du couvert, il est possible d’évaluer la part du carbone organique qui sera consommé à court terme par l’activité microbienne et celle qui restera à long terme dans le sol sous forme d’humus. C’est cette seconde partie qui permettra effectivement d’entretenir, voire augmenter, le taux de matière organique du sol.

Généralement, pour un couvert multi espèces composé à la fois de légumineuses et de non légumineuses, il est possible de considérer que :

  • 20 à 30 % de la matière organique persistera sous forme d’humus. Ce pourcentage est fourni par l’indicateur ISMO [Indicateur de Stabilité de la Matière Organique] ou bien par le k1 [coefficient d’humification]. Ces deux indicateurs expriment la même notion. Autrement dit, ils précisent la part de la matière organique du couvert qui sera humifié après restitution au sol.
  • les 70 à 80 % de cette matière organique vont être transformés à court terme en gaz carbonique sous l’action de la respiration microbienne. Une partie de ce carbone sera également intégrée dans les cellules microbiennes pour assurer la constitution des cellules. Malgré cette part prélevée par l’activité microbienne, une part significative du carbone restera donc au sol.

Finalement, plus la biomasse de couvert produite sera importante, plus la quantité de carbone restituée au sol sera forte.

Couvert multi espèce composé de radis, tournesol, phacélie et vesce.

Une demi tonne à une tonne de matière organique

Un couvert d’interculture semé entre début juillet et début août est en mesure de produire en moyenne entre 2 et 4 tonnes de matière sèche par hectare. Cela représente un apport de matière organique de l’ordre de 1 800 à 3 600 kg par hectare. En considérant un ISMO de 20 %, 360 kg à 720 kg d’humus seront ainsi restitués au sol. Cette quantité de matière organique permettra de compenser en totalité ou en partie la perte annuelle de matière organique. En effet, un sol perd entre 1 et 2,5 % de son stock de matière organique par minéralisation sous l’action de l’activité microbienne. Ce pourcentage est ce que l’on appelle plus communément le K2 [indice de minéralisation].

Si l’on considère une parcelle à 2 % de matière organique, comprenant 3000 tonnes de terre sur trente centimètres d’épaisseur, la perte s’élève entre 600 et 1500 kg par an. Dans ce cas de figure, le couvert d’interculture compense en moyenne trois quart de la perte annuelle d’humus sur les sols calcaire ou argilo calcaire. Sur les sols limoneux ou sableux, il compensera plutôt un quart de ces pertes. En effet ces sols auront un K2 plus élevé en comparaison des autres. Les couverts sont donc fondamentaux pour l’entretien organique des sols. Néanmoins, ils sont aussi importants pour l’alimentation minéral de la culture suivante.

Couvert riche en légumineuse. Ces couverts sont particulièrement efficaces pour mobiliser certaines fractions du phosphore du sol.

De l’azote et du phosphore en plus après destruction

Les couverts d’interculture permettent de restituer des quantités importantes d’azote. Cette restitution est d’autant plus forte que la biomasse produite est élevée et que le rapport carbone organique sur azote total (C/N) est faible.
Un couvert de 4 tonnes dont 50 % de la biomasse est assuré par les légumineuses est en mesure de fournir aisément environ 40 à 50 unités d’azote à la culture suivante.
Le couvert participera également à la remobilisation de ressources comme le phosphore. La quantité de phosphore remobilisé par le couvert dépend de la biomasse produite mais également des espèces qui le compose. En effet certaines espèces sont en mesure de mobiliser davantage de phosphore que d’autres. Les légumineuses ont par exemple la capacité à prélever des ressources en phosphore minéral qui seraient plus difficilement accessibles à d’autres espèces telles que les céréales. On pense notamment aux formes de phosphore liées au calcium dans les sols alcalins ou bien au fer et à l’aluminium dans les sols acides. Les légumineuses sont capables d’acidifier le milieu par l’émission de proton mais produisent également des carboxylates. Ces substances favorisent la libération du phosphore inorganique en se complexant avec le calcium, le fer ou l’aluminium, trois cations impliqués dans l’immobilisation du phosphore. Une partie très importante de ce phosphore fixé par le couvert sera finalement minéralisé et potentiellement rendu disponible pour la culture.
Pour un couvert de 4 tonnes de matière sèche, il est possible de considérer qu’une vingtaine d’unité de phosphore sera rendu disponible sous forme minéral à court terme. Ce phénomène sera d’autant plus déterminant que la teneur en phosphore de la parcelle est faible.
Finalement, après sa destruction, le couvert apportera à la fois du carbone organique alimentant le sol, et aussi des éléments minéraux participant à la nutrition de la culture suivante.

P.-S.

Anthony Lequemener et Guillaume Bouchard

Centre de développement de l’agroécologie