Glyphosate : un enjeux agricole, environnemental et sociétale

Le 12 décembre dernier, le renouvellement de l’approbation du glyphosate a formellement été adopté par la Commission européenne, pour 5 ans.

Le glyphosate c’est quoi ?

Le glyphosate est un herbicide total, systémique et puissant. Les herbicides sont en général sélectifs, ce qui signifie qu’ils n’agissent que sur une seule famille de végétaux. Le glyphosate est quant à lui capable de détruire tous types de plantes, c’est pourquoi on le dit total. De plus, son action est systémique car il agit des feuilles jusqu’aux racines.

Originellement commercialisé par la multinationale américaine Monsanto, depuis 1974, sous la marque Roundup, il est entré dans le domaine public en 2000. Il entre dorénavant dans la composition de 750 produits, fabriqués par 90 firmes agrochimiques.
Il est le désherbant le plus vendu dans le monde, avec 720 000 tonnes écoulées par an dont environ 9000 tonnes en France. Les agriculteurs en sont les plus gros consommateurs, avec 7000 tonnes utilisées dans le cadre d’un usage agricole. Les 2000 tonnes restantes sont utilisées pour l’entretien des jardins de particuliers, celui des routes ou encore, celui des voies ferrées.

Glyphosate et santé humaine

La dangerosité du glyphosate pour la santé humaine est un sujet très controversé qui n’a pour le moment abouti à aucune conclusion partagée unanimement.

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) des Nations unies l’a classé « cancérigène probable pour l’homme » en 2015 tandis que les agences européennes (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments - Efsa et Agence Européenne des produits Chimiques - Echa) l’ont jugé sûr.
Les études sur lesquelles se seraient appuyées les différentes agences afin de tirer leurs conclusions sont au cœur de la polémique. Les résultats du CIRC seraient basés sur des études scientifiques accessibles au public au contraire de ceux des agences européennes qui reposeraient sur des études financées et sélectionnées par les industriels commercialisant le glyphosate.

Dans le même temps, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) s’est intéressé au mélange du glyphosate au tallowine, l’un de ses adjuvants, dans les produits phytopharmaceutiques commercialisés. Suite à quoi, en juin 2016, plus de 120 produits associant glyphosate et tellowamine se sont vus retirés leur autorisation de mise en marché par l’Anses car ils représentaient « des risques inacceptables, notamment pour la santé humaine ».
Les adjuvants permettent d’augmenter l’efficacité des matières actives en favorisant leur pénétration dans les tissus végétaux. Ce qui permet, en contrepartie, de diminuer les quantités de matières actives appliquées à l’hectare.

Glyphosate et environnement

Selon le CGDD (Commissariat Général du Développement Durable) plus de 400 pesticides sont présents dans les cours d’eau français, principalement des herbicides en France métropolitaine. Depuis 2009, le glyphosate, ainsi que l’AMPA, le métabolite issu de sa dégradation, sont les molécules les plus détectées dans les cours d’eau français. Tandis que les détections de l’AMPA restent relativement constantes, celles du glyphosate sont quant à elle en constante augmentation depuis 2011. Dans certaines régions, les concentrations de glyphosate et d’AMPA peuvent atteindre, voire dépasser, le seuil réglementaire limite de potabilité par pesticide (0,1 mg/l).

D’après le rapport de la FREDON (2017), on constate peu d’évolution de quantification des molécules phytosanitaires dans les eaux souterraines. On notera toutefois, que les molécules de dégradations (dont l’AMPA) sont plus souvent retrouvées que leurs molécules mères.

Glyphosate et agriculture

Coût, temps de travail et compétitivité

Le glyphosate permet de se débarrasser efficacement des adventices les plus difficiles, telles que le liseron, le chiendent ou le chardon. Il est aussi efficace sur les repousses de cultures et les couverts et permet ainsi de nettoyer une parcelle avant le semis, en un seul passage et sans travail du sol. Par exemple, en une heure, 15ha peuvent être traités.
En plus d’économies de carburant, son prix est imbattable (2€/l) et participe ainsi à la compétitivité des exploitations françaises. Sur un même marché, une exploitation qui désherbe pour 50€/ha n’est pas compétitive face à une exploitation qui le fait pour 2€/ha.
D’un autre côté, pour Bertrand Omon (Le Monde, 2017), conseiller à la chambre d’agriculture de l’Eure, la problématique de l’arrêt du glyphosate ne repose pas uniquement sur des questions de santé humaine ou environnementale. Elle repose sur le modèle de production agricole. « Ceux qui ont le plus à perdre, ce sont les très grosses exploitations. Elles ont construit des systèmes très cohérents conçus dans une extrême dépendance au glyphosate ».

Impasse pour l’agriculture de conservation

En 2000, la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) estimait à 45 millions d’hectares la surface agricole cultivée en agriculture de conservation dans le monde. Aujourd’hui, elle l’évalue à plus de 100 millions d’hectares.

L’agriculture de conservation repose sur trois piliers :

  • la réduction, voire la suppression du travail du sol, (ex. non labour)
  • une couverture quasi permanente des sols,
  • des rotations diversifiées.
Du semis direct au TCS
grostracteurspassion.com

Ce mode de production présente de nombreux bénéfices qui expliquent un tel engouement :

  • temps de travail réduit : suppression des opérations de travail du sol et donc diminution des pointes de travail associées, notamment, à la préparation des semis,
  • consommation d’énergie fossile réduite : suppression du labour qui entraîne une économie estimée entre 20 et 40 litres de fuel par hectare
  • vie et biodiversité du sol améliorées (macro ou microfaune),
  • stockage de carbone,
  • érosion du sol diminuée d’un facteur 2 à 10 grâce à une infiltration accrue de l’eau et par une meilleure structuration du sol (NB : pas sur tous types de sols) (porosité plus importante à long terme).

Concernant le glyphosate, une autre problématique se pose pour l’agriculture de conservation. En général les systèmes sans labour sont plus gourmands en herbicides que les systèmes conventionnels. Selon les enquêtes pratiques culturales de 2006, on observe, toutes cultures confondues, 0,3 passages supplémentaires d’herbicides par rapport à des systèmes avec labour.
Cependant, selon l’APAD (Association pour la promotion d’une agriculture durable), à faible dose, il s’agit d’un levier indispensable pour le semis direct sous couvert, l’une des techniques de l’agriculture de conservation. De plus, tous les systèmes ne sont pas identiques. En effet, les rotations et les couverts jouent un rôle majeur dans la gestion des adventices et des bioagresseurs. Il a été montré que les systèmes en rotations longues (au moins 6 ans) utilisaient moins d’herbicides que les systèmes de culture en rotation courte.

Du même avis, Stéphane Le Foll déclare « Le couvert laisse la place à la culture sous l’effet du gel ou d’une destruction mécanique. Mais ce n’est parfois pas suffisant et il faut nettoyer, de temps en temps, les mauvaises herbes avec un peu de glyphosate, dans des conditions encadrées. Les agriculteurs les plus au point utilisent un voire un demi-litre par ha. L’équivalent d’une bouteille sur un terrain de foot ! On est dans un usage ciblé, agronomiquement utile . »

Selon l’INRA, « l’interdiction du glyphosate se traduira immanquablement par une réintroduction du travail du sol, éventuellement très superficiel mais systématique, avec probablement une perte (temporaire) d’une partie des bénéfices environnementaux imputables au semis direct. » (INRA, Science & Impact, 2017)

Alternatives au glyphosate

De nombreux leviers techniques existent et sont en mesure de limiter l’utilisation des pesticides. Par exemple, les rotations longues et diversifiées, les décalages des dates de semis, le labour systématique ou non, superficiel ou pas, l’association de cultures, le binnage la couverture du sol ou encore le désherbage mécanique.

Il n’y a pas une alternative, chaque agriculteur devra trouver une combinaison de moyens qui ne sera pas forcément la même sur toutes les exploitations. (Bertrand Omon - Le Monde)

Concernant le glyphosate en lui-même, le travail du sol (avec ou sans retournement) représente la principale solution. Pour l’INRA, « remplacer le glyphosate par la réintroduction du travail du sol dans les systèmes où il n’y a actuellement aucun travail du sol constituerait une vraie rupture remettant en cause la stratégie agronomique innovante et les bénéfices environnementaux. »

Du côté des produits chimiques, peu existent avec l’efficacité du glyphosate. Une solution, non homologuée en grandes cultures, est cependant développée dans les Côtes d’Armor depuis 2008 par Osmobio. Ce traitement naturel, à base de produits végétaux, serait totalement inoffensif pour l’homme et l’environnement selon INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques).

Si vous voulez en savoir plus sur l’après-glyphosate et voir ce qui est possible, venez à la journée technique organisée le 6 septembre ! Restez connecté pour plus d’informations sur son organisation !

P.-S.

Bibliographie :

  • CGDD, Chiffres et statistiques, n°697, Novembre 2015
  • Scopel E. et al - Conservation agriculture cropping systems in temperate and tropical conditions, performances and impacts - A review, Agronomy for Sustainable Development, Vol. 33, 2013
  • Chapelle-Barry C., n°207, pp 1-4, 2008. Disponible sur : http://agriculture-de-conservation.com/Dans-le-sillon-du-non-labour.html [Consulté le 11 avril 2014]
  • Eléa Pommier, Le Monde, Novembre 2017. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/28/quelles-sont-les-alternatives-au-glyphosate_5221693_3244.html
  • INRA - Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française - Science & Impact, Rapport, Novembre 2017
  • Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt - Agriculture de conservation - Centre d’études et de prospectives, n°61, Septembre 2013
  • FREDON - Qualité des eaux en Auvergne-Rhône-Alpes - Eaux et produits phytosanitaires, Synthèse annuelle des résultats d’analyses "pesticides" dans les rivières et les nappes d’eaux souterraines la région Auvergne-Rhône-Alpes 2016, Décembre 2017