Agroforesterie : cultiver à l’ombre des arbres, quels intérêts ?

Sur le territoire du PAEC (Projet Agro-Environnemental et Climatique) de l’agglomération lyonnaise, vous êtes nombreux à nous avoir fait part d’un besoin en formation sur la thématique de l’agroforesterie : principes, intérêts, atouts et contraintes, valorisations...

Pour vous donner un avant-goût de la journée technique de décembre 2020 qui abordera tous ces sujets en détails, cet article vous permet de découvrir les bases de l’agroforesterie.

Qu’est-ce que l’Agroforesterie ?

L’agroforesterie consiste à associer arbres et cultures au sein d’une même parcelle pour transposer en agriculture, des principes de fonctionnement valables dans une forêt.

Longtemps pratiquée dans les campagnes françaises, l’agroforesterie a été peu à peu abandonnée en lien avec l’agrandissement des parcelles et l’augmentation de la mécanisation. Depuis une vingtaine d’années on assiste à un retour progressif des pratiques agroforestières en France, notamment pour répondre à des enjeux de productivité des exploitations et d’adaptation aux changements climatiques.
En 2016, 43% des surfaces agricoles mondiales comptent au moins 10% d’arbres.

Agroforesterie : quels avantages ?

Intégrer l’arbre dans la parcelle agricole permet de créer un système plus complexe et donc plus résilient. L’arbre est une composante qui modifie en profondeur le fonctionnement et les échanges au sein de l’agrosystème, et notamment les échanges sol-plante-atmosphère. L’agroforesterie procure un aspect multifonctionnel à la parcelle par les nombreux services que la présence de l’arbre apporte au-delà de la production agricole :

  • l’augmentation de la biodiversité utile : Les arbres offrent un refuge la biodiversité patrimoniale. En multipliant les habitats ils permettent de multiplier les habitants, et notamment les auxiliaires de cultures dont la présence réduit la concentration de ravageurs.
  • le stockage de carbone dans le sol : Les racines des arbres, plus profondes que celles des cultures, font remonter les nutriments des couches profondes pour les rendre accessibles aux couches de surface. Une fois étendu, le système racinaire limite les fuites des nitrates et favorise le stockage du carbone dans le sol. La décomposition des racines et des feuilles mortes tombées au sol, augmente le taux de matière organique en créant un humus stable et fertile.
  • le développement d’un micro climat à échelle de la parcelle : Sous condition d’une densité suffisante d’arbres adultes, un système agroforestier peut modifier le micro climat de la parcelle en affectant la vitesse des vents et l’humidité relative de l’air. De nombreux effets sont induits par le système agroforestier : effet "brise vent", effet "oasis", effet "parasol".
Infographie de l’agroforesterie

L’agroforesterie représente un investissement rentabilisé également sur le long terme. Les arbres plantés permettent de générer différents usages et différents revenus.
Les arbres fourragers présentent l’avantage de produire en été lorsque les pâtures souffrent de la chaleur et produisent peu.
Les “arbres têtards” ou "arbres trognes" sont convertis en BRF (Bois Rameaux Fragmentés) et remplacent ainsi la paille en servant de litière pour les animaux. Les arbres fruitiers génèrent quant à eux un revenu direct grâce à la vente de fruits.
Par ailleurs, les essences en elles-mêmes pourront être revendues.

L’agroforesterie appliquée en élevage contribue à un environnement de bien-être pour les animaux en les protégeant de la chaleur et en augmentant la disponibilité en fourrage. De plus, elle contribue à améliorer la qualité des paysages.

Comme il existe une très grande variété d’aménagements agroforestiers, les intérêts attendus sont intimement liés au dispositif en place et évoluent au fil des années avec la croissance des arbres. Formes bocagères, prés-vergers, prés-bois, cultures en alignement ou plantations associées à l’élevage, les systèmes agroforestiers dans leur diversité peuvent s’adapter pour répondre aux problématiques de rendement.

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Agroforesterie : les étapes pour monter son projet

Quelques étapes sont essentielles pour mettre en place une plantation [1]

  • Prendre le temps nécessaire pour mûrir son projet
  • Identifier les objectifs recherchés : Il n’existe aucun modèle fixe en agroforesterie. Chaque exploitant devra adapter sa plantation à ses obligations de terrain et à ses objectifs.
  • Ne pas négliger le choix des essences d’arbres

Le choix des essences doit tenir compte de l’utilisation visée (bois d’oeuvre, bois énergie, arbre fourrager, arbre fruitier…), du climat de la parcelle et de l’état du substrat et du sol. Voici quelques exemples d’essences, et les conditions limitantes à leurs développements :

Essences Conditions limitantes
Noyer (hybride ou commun) Sol compact, drainage pauvre, gelées précoces et tardives
Frêne Sols engorgés ou trop secs, gelées tardives, sécheresse
Peuplier Sol sableux, sécheresse
Alisier Sol trop engorgé, sécheresse
Aulne (de Corse) Climat froid ou gelées répétées
Aulne (glutineux) Sol pentu, versant sud
Arbres fruitiers Conditions limitantes
Pommier Texture sableuse entraînant un drainage excessif
Poirier Climat rigoureux, gelées tardives, sols trop secs
Merisier ou cerisier Sol sableux ou sol compact, sécheresse

Fiches à télécharger ici

Il est possible de mélanger les essences d’arbres au sein d’une même parcelle pour s’adapter au mieux aux contraintes.

  • Prendre en compte les contraintes du système de production

L’arbre implanté humainement sur une parcelle ne se comporte pas comme l’arbre forestier. Non implanté dans son biotope spontané, il devra être protégé et géré. Cette gestion inclut notamment (après le travail du sol des 3 premières années) le maintien d’une couverture permanente à son pied pour forcer les racines à s’ancrer dans les horizons profonds du sol. Cet enracinement garantira entre autres des arbres résistants au vent, aux engorgements et à la sécheresse.

Si ce fonctionnement est respecté, les plantations d’arbres champêtres peuvent être associées à tous les systèmes de production : grandes cultures, maraîchage, viticulture, élevage …

L’Association française d’Agroforesterie préconise en générale d’envisager une densité de 50 arbres plantés à l’hectare et 7 à 8 mètres de distance entre chaque plant pour un bon compromis entre croissance de l’arbre et accès à la lumière pour les cultures. Cette densité est à nuancer en fonction des systèmes, des espèces plantées etc. …

La réimplantation d’arbres dans une parcelle agricole est une démarche globale qui doit s’inscrire dans une réflexion agroécologique complète.
En cela, planter des arbres sur des sols soumis à des indices de perturbations trop importants sera sans effet. L’arbre prospère grâce son environnement direct : porosité du sol, matière organique, micro-organismes etc. Le travail du sol notamment, viendra perturber un biotope homogène et stabilisé et donc la nutrition des plants.
La démarche d’agroforesterie est donc à inclure dans une réflexion plus large alliant couverture végétale du sol et évolution des pratiques agricoles.

  • Réfléchir au mode de financement

Plusieurs aides et programme existent pour soutenir les initiatives agroforestières sur le territoire en finançant une partie des coûts engendrés. Ces aides peuvent être publiques (département, région) ou privées (fondations). Voici deux exemples de programmes auxquels agriculteurs, propriétaires fonciers et organismes agricoles peuvent candidater :

>Programme de soutien aux plantations agroforestières de l’AFAF à destination des agriculteurs, propriétaires fonciers ou organismes agricoles qui souhaitent planter 200 arbres ou plus, sur ou en bordure de parcelles agricoles. Les fournitures et l’accompagnement technique sont pris en charge par le programme dans la limite de 14,50 € à 24,50 € par arbre et 9 € par ml de haie.

> Programme « Des enfants et des arbres » à destination d’agriculteurs qui souhaitent planter 150 à 200 arbres, sur ou en bordure d’une parcelle agricole, tout en accueillant des scolaires pour faire de la sensibilisation. 2 000 € sont dédiés à l’achat des plants, tuteurs, protections et paillages puis un forfait de 400 € rémunère l’animation pédagogique assurée par l’agriculteur ou la structure agroforestière.

Notes

[1Source : Terrenet :